Espace Maurice Blanchot

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Entretien avec Didier Sicard

Didier Sicard – Photo: Parham Shahrjerdi

Grâce à la suggestion et à l’entremise de Pascal Possoz, nous avons rencontré Didier Sicard. Cet entretien a eu lieu le 15 décembre 2008 à l’Université Paris 7 – Denis Diderot. Didier Sicard évoque pour nous sa lecture de Blanchot, l’importance que cette lecture a pour lui en tant qu’homme et que médecin.

Christophe Bident, Jérémie Majorel, Parham Shahrjerdi


Didier Sicard est médecin, ancien président du Comité consultatif national d’éthique de 1999 à 2008, dont il reste président d’honneur. Il est professeur de médecine à l’université René-Descartes et a été chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin, à Paris. Ouvrages du professeur évoqués dans cet entretien : La Médecine sans le corps, Plon, 2002 ; « L’instrumentalisation du plaisir » in Alain Houziaux (sous la direction de), Le Corps, un plaisir ou un poids ?, Les Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières, 2006 ; préface et « Prudence et précaution » in Emmanuel Hirsch (sous la direction de), Ethique, médecine et société, Vuibert, 2007 ; préface à Donatien Mallet, La Médecine entre science et existence, Vuibert, 2007.
 

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A l’attention des lecteurs des Écrits politiques


Suite à la réédition chez Gallimard au printemps 2008 des Écrits politiques de Blanchot sous la responsabilité d’Éric Hoppenot, un certain nombre d’écrivains et d’intellectuels ont alerté l’éditeur sur les nombreuses erreurs que comporte cette édition. Et ce, à plusieurs reprises : lors de deux rencontres rue Sébastien-Bottin en juin et en septembre, et par une lettre adressée à Antoine Gallimard fin octobre, signée des personnes suivantes : Monique Antelme, Andrew Benjamin, Gisèle Berkman, Christophe Bident, Danielle Cohen-Levinas, Marguerite Derrida, Michel Deguy, Kevin Hart, Leslie Hill, Mike Holland, Jean-Luc Nancy et Parham Shahrjerdi.

Nous avions indiqué sur le site dès le mois de juin quelques-unes des erreurs que comporte cette réédition. Dans l’attente d’une réédition de la réédition… nous jugeons nécessaire de faire part sans tarder aux lecteurs de l’ensemble des erreurs que plusieurs membres de notre comité de rédaction ont pu relever.

Principales erreurs relevées dans l’édition des Écrits politiques de Blanchot,

Gallimard, 2008,

sous la responsabilité d’Éric Hoppenot

Mélange constant de la parole de l’éditeur (EH) à l’écriture de l’auteur (MB), que la typographie parfois ne distingue pas.

Manque de précisions concernant les diverses versions du texte « Berlin » : ce texte avait d’abord été publié en italien ; comme la version française avait été perdue, Hélène et Jean-Luc Nancy l’avaient “restituée” depuis la version italienne, avec l’autorisation de Blanchot. Cette contribution rare et les noms des deux “traducteurs” se trouvent totalement effacés, pas même mentionnés, dans l’édition présente.

Effacement du rôle actif que prirent, avec Blanchot, Dionys Mascolo et Jean Schuster dans l’élaboration collective du Manifeste des 121 : le nom de Mascolo est à peine mentionné et celui de Schuster est effacé. Le fonds Mascolo déposé à l’IMEC, qui contient des éléments précieux, n’a pas été consulté.

Autres erreurs concernant l’histoire de la publication des textes.

Le texte « La Déclaration… n’est pas un manifeste de protestation » est présenté comme inédit. Il est dit en note qu’« il n’est pas possible de savoir à qui ou à quoi il est destiné ». Or il a paru dans la revue italienne Tempo Presente, comme l’indique François Maspero en le publiant dans Le Droit à l’insoumission en 1961.

Il n’y a jamais eu de « premier numéro » de la Revue internationale, mais un numéro zéro publié par la revue italienne Il Menabo.

La lettre à Ilija Bojovic avait déjà publiée par la revue Europe en août-septembre 2007 : cette référence n’est pas mentionnée.

Confusion entretenue dans l’édition du « Refus » : difficile de savoir, d’après la présentation, si on lit la version de 1958 ou celle de 1971. Même chose pour le texte princeps, « Sur une approche du communisme », dont la présentation évoque à la fois la publication de 1953 et celle de 1971. Or chaque fois c’est la seconde version qui est choisie, soit celle déjà publiée dans L’Amitié. Est-ce bien le choix éditorial le plus convaincant, et le plus cohérent, pour une édition qui se veut chronologique et qui dit emprunter aux « originaux conservés dans les archives de l’auteur » ?

Référence inélégante au second livre de Robert Antelme publié chez Gallimard : Robert Antelme, Inédits, etc. [sic].

Manque de précision dans certaines lectures de textes conservés dans les archives. Un texte de la revue Comité serait rédigé « par un certain Jacques » : pourquoi ne pas mentionner qu’il s’agit probablement de Jacques Bellefroid, directeur de publication de la revue ?

Rapidité de certaines formules qui peuvent donner lieu à des interprétations tout à fait inexactes. Notamment : « il se sépare des intellectuels d’extrême-gauche, souvent pro-palestiniens » : mais de quels intellectuels d’extrême-gauche ? de tous les intellectuels d’extrême-gauche ? étaient-ils donc tous pro-palestiniens ? que signifierait une telle « séparation » ? Ou encore : l’écriture politique de Blanchot est présentée en quatrième de couverture comme « une écriture de la réaction », sans autre précision – que signifie ici ou que laisse à signifier ce mot, « réaction », qui peut prendre bien des significations et bien des orientations ?

Fautes d’orthographe sur des noms propres ou communs importants : iman au lieu d’imam, Eyze au lieu de Èze, Enzberger au lieu de Enzensberger. L’imam en question est l’ayatollah Khomeiny : cela aurait pu être précisé.

L’article « La perversion essentielle » ne s’étalait pas sur huit pages de la revue Le 14-Juillet, mais simplement sur deux : p.19-20, et non 19-27.

Erreurs élémentaires d’histoire littéraire :

            1. sur l’année de parution du Manifeste des 121 : le manifeste date de 1960. Le dater de 1961, comme cela est fait ici, en change le contexte et lui ôte beaucoup de son poids.

            2. sur la période de collaboration de Blanchot à la NRF : aucun article n’y a paru entre 1938 et 1953, contrairement à ce qu’affirme la première page de l’ « avertissement » ; comment Blanchot pourrait-il publier, notamment entre la fin de la guerre et 1953, dans une revue qui n’existe pas ?

            3. enfin et surtout, sur la date de rédaction d’Après Coup. Ce livre paraît aux éditions de Minuit en 1983, et non en… 1947. Le dater de 1947 laisse ainsi entendre que Blanchot a mentionné Auschwitz très tôt, deux ans après la « révélation » des camps. Après coup est une postface aux deux récits qui composent Le Ressassement éternel. Ces deux récits ont bien paru, eux, une première fois, en revue, juste après la guerre ; mais la postface date seulement de 1983. L’erreur n’est donc pas seulement chronologique. Elle est historique et elle engage la lecture de l’œuvre de Blanchot : Blanchot n’a pas (malheureusement ?) parlé d’Auschwitz en 1947, comme cette erreur de date le donne à croire. (À notre connaissance, la première mention des camps, rapide, date de 1950, à l’occasion d’un texte sur Cayrol, et la seconde, décisive, date de 1962, avec l’article sur le livre d’Antelme.)

Jacques Dupin: Maurice Blanchot et la poésie

Maurice Blanchot et la poésie
Jacques Dupin
Editions P.O.L

Extrait tiré de : Jacques Dupin, M’introduire dans ton histoire, Paris: P.O.L, 2007, p. 123/127.


Le souci premier de Maurice Blanchot n’est pas la poésie. On peut dire cela. Même s’il a écrit de nombreux essais, admirables, sur les œuvres de poètes qui comptent. Mais plus largement la question de la poésie est partie essentielle de sa réflexion sur la parole et sur l’écriture. (…) 
L’expérience de Maurice Blanchot rejoint, ou précède, assure et confirme, éclaire de sa lucidité, de sa vigilance, le vrai travail profond sur la langue auquel le poète, à ses risques et périls, ne peut à aucun moment se soustraire.

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« Qui saura jamais dire, écrire ce qui se passe dans un battement ? » | Jonathan Degenève

A propos de l’essai de Ginette Michaud : Tenir au secret (Derrida, Blanchot)

Ginette Michaud aborde la question du secret en derridienne. Il est vrai, c’est un certain type de secret qu’elle interroge dans Tenir au secret qui paraît chez Galilée (Paris, 2006) : c’est celui qui se noue entre Blanchot et Derrida, justement, et ce à travers L’Instant de ma mort[1] et Demeure[2], mais également à travers une lettre de Blanchot à Derrida. A l’endroit de cette lettre, Ginette Michaud fait d’ailleurs plus qu’explorer, en en proposant une « entrelecture » (p. 12), tous ces nouages qu’il y a entre un récit et un commentaire, un commentaire et un document, un document et un témoignage. Car à l’endroit de cette lettre dans laquelle Blanchot dit à Derrida qu’il « connu[t] le bonheur d’être presque fusillé » (p. 65), celle qui chemine fait « un pas de côté » (p. 11) par rapport à celui qu’elle accompagne par ailleurs de si près, un pas de côté qui l’éloigne un peu du philosophe et qui la rapproche sinon davantage de l’écrivain du moins de l’écriture. La figure de « l’acolyte » rencontre alors celle de « l’anacoluthe » (p. 126), pour le dire avec une formule qui appartient certes à Derrida, mais que Ginette Michaud semble avoir fait sienne à ce point qu’elle s’en sert comme d’un levier pour introduire et creuser un écart. C’est un décrochage critique, si l’on veut, et il laisse la place à une distance au sein d’une proximité toujours très grande. Or, c’est dans la mesure de ce recul que se tient précisément le secret mais aussi, et peut-être surtout, l’amitié et la responsabilité. Ainsi, tout reste relié, fût-ce par le biais d’une interruption. Reste à savoir comment et pourquoi.  

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La conversion de Blanchot | Didier Cahen

« Dans l’œuvre l’homme parle, mais l’œuvre donne voix, en l’homme, à ce qui ne parle pas ».

Maurice Blanchot, L’espace littéraire

Avec la mort tout devient simple ! Jamais adage ne fut plus amplement vérifié. A l’occasion du premier anniversaire de la disparition de Maurice Blanchot, peut-être le temps est-il venu de faire le point.

Rappelons, pour commencer, les faits. Maurice Blanchot est attaqué avec constance en raison de son indéniable engagement politique à la droite de la droite dans les années 30 ; par ailleurs, son œuvre, qui porte haut « la mort », est régulièrement accusée de se complaire dans le nihilisme  et « la nécrophilie » (1). Ce que récusent, arguments à l’appui, les plus fervents lecteurs de l’œuvre ! Vaine querelle, dira-t-on, si elle ne concernait l’un des penseurs et écrivains majeurs du XXème siècle, puisqu’au moins sur ce point les opinions convergent.

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Philippe Lacoue-Labarthe, la syncope reste ouverte | Jean-Luc Nancy

A toi, Philippe, pour te saluer. Pour te dire un adieu qui ne te promet aucun Dieu, puisque tu es parti vers rien ou vers toi-même, à moins que ce ne soit vers nous ­ enfin tourné, retourné vers nous, forcément détourné des lointains vers lesquels tu ne t’en vas pas puisqu’ils ne sont pas. A toi qui es entré dans la seule présence pour toi douée de stabilité, dans la station et sur la stèle où tu déchiffrais l’immobilité dangereuse de ce qui se prétend identifié : la figure cernée, érigée. Entré dans l’inadmissible, disais-tu, de cette stance : l’étant transi, rien qu’étant, soustrait à l’infini d’être. Entré dans ce révoltant non-lieu d’être.

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Maurice Blanchot | Jean-Luc Nancy

L’entretien infini, avec ce titre – celui d’un des plus imposants de ses ouvrages – on pourrait tenter d’emblématiser la pensée de Maurice Blanchot. À dire vrai, moins une pensée qu’une posture ou un geste : celui d’une confiance. Avant tout, Blanchot fait confiance à la possibilité de l’entretien. Ce qui s’y entretient (avec un autre, avec soi-même, avec la propre poursuite de l’entretien), c’est le rapport toujours renouvellé de la parole avec l’infini du sens qui fait sa vérité. L’écriture (la littérature) nomme ce rapport. Elle ne transcrit pas un témoignage, elle n’invente pas une fiction, elle ne délivre pas un message : elle trace le parcours infini du sens en tant qu’il s’absente. Cet abstentement n’est pas négatif, il fait la chance et l’enjeu du sens même. « Écrire » signifie approcher sans relâche la limite de la parole, cette limite que la parole seule désigne et dont la désignation nous illimite (nous, les parlants).

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De Zarader à Blanchot | Thomas Regnier

Deux ans à peine séparent le moment présent du temps où, dans la foulée de l’écriture et de la soutenance de mon DEA, je lisais les pages denses, et cependant décevantes, de l’essai de Marlène Zarader consacré à Blanchot : L’Être et le neutre. À partir de Maurice Blanchot (Verdier, 2000). Quelques remarques préliminaires sur le titre de l’ouvrage, plus précisément sur son sous-titre. Il est bien écrit : « à partir » de Maurice Blanchot. Il s’agirait, par conséquent, dans le corps de l’essai, de réfléchir sur tout ce que l’œuvre de Blanchot donnerait à penser sur ces deux termes – l’être, le neutre – et sur leur éventuel antagonisme. L’être : l’objet de prédilection de la philosophie (à quoi la philosophie réfléchit-elle sinon à l’être ?) ; le neutre : ce qui, appelé aussi principe de contradiction, inquiète, remet en question la fameuse tautologie (l’être est, le non-être n’est pas). D’un côté la philosophie, le logos, le clarté du concept ; de l’autre la littérature, le hors-concept, l’« obscurité » de ce que Blanchot appelle « la parole d’écriture ».

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Écrire, et après ? | Christophe Bident

Roger Laporte, Lettre à personne, Lignes & Manifestes, 2006.

Pour Roger Laporte, sous la direction de François Dominique, Lignes & Manifestes, 2006.

Cette Lettre à personne affiche pourtant deux lecteurs : Philippe Lacoue-Labarthe, auteur de la préface, Maurice Blanchot, auteur de la postface. Elle en masque un troisième, qu’elle ne dévoile qu’en dernière ligne, Claude Royet-Journoud, à l’origine du titre. Elle résonne aujourd’hui d’outre-tombe : c’en est la deuxième publication (elle fut éditée chez Plon en 1989), la première après la mort d’un auteur (le 24 avril 2001) qui avait déjà mis fin à son œuvre (le 24 février 1982) lorsqu’il entreprit de l’écrire (le 24 décembre 1982). Voici donc la lettre spectrale du spectre de l’écrivain qui, lorsqu’il décida une première fois de la publier, prit la précaution de s’entourer de deux, voire de trois amis. Une précaution qui l’élève et l’obsède, le protège et lui donne crédit.
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Présence de Maurice Blanchot dans La Déclosion de Jean-Luc Nancy | Gisèle Berkman

Présence de Maurice Blanchot dans La Déclosion, (Déconstruction du christianisme, I), de Jean-Luc Nancy, éditions Galilée, 2005

La Déclosion occupe une place importante dans le champ d’une pensée qui se veut attentive au fait religieux, à sa signification, à sa possible déconstruction.[1] La singularité et la force du livre tiennent à l’articulation des thèses qui en forment la nervure sous-jacente- même si, précisément, il s’agit pour Jean-Luc Nancy de défaire toute affirmation dogmatique, toute présomption d’un sens se voulant unique et présent à soi. Déconstruire la religion chrétienne, (dans la mesure où christianisme et occidentalité, pour Jean-Luc Nancy, s’entr’appellent) en ré-ouvrant le rapport la raison, et en auscultant la provenance occidentale du sens : telle pourrait être, pour le résumer au risque de le schématiser, le programme du livre.

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