Espace Maurice Blanchot

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avril

‘Entretien : Sur un désastre obscur’ | Leslie Hill

[Texte resté inédit, prononcé lors du colloque « Blanchot essentiel » dans le cadre des Revues parlées du Centre Pompidou, avril 2002]

Solitude qui rayonne, vide du ciel, mort différée : désastre.

Maurice Blanchot, L’Écriture du désastre

—   L’Écriture du désastre, voilà une parole qui sonne étrangement.  De quoi s’agit-il ?

—   Le titre de Blanchot ne se livre pas tout de suite.  Certes, il nomme le texte qu’il présente, qu’il ouvre et ferme tout à la fois.  Mais la logique du titre, on le sait, est de nature retorse.  Car c’est la fin qui commence, l’entrée en matière qui met un point final.  Structure paradoxale, parergonale.  Qui met en jeu tout un éventail de lectures possibles.  On peut les énumérer.  Le titre de Blanchot, par exemple, se rapporte-t-il uniquement au livre singulier que je tiens entre les mains?  Ou bien nomme-t-il l’écriture en tant que telle (s’il y en a) que ce livre s’efforcerait alors d’aborder comme thème, objet d’entretien, ou sujet de dissertation ?  Et ce mot de « désastre », dont on sait qu’il signifie (selon le dictionnaire) « événement funeste », « malheur très grave », « échec complet », comment faut-il l’entendre ?  Fait-il signe vers quelque événement historique précis, ou plutôt vers un état de fait éternel, qui n’existerait dans le temps que pour autant qu’il est hors du temps ?  Quel est encore le statut relatif des deux noms de choses évoqués dans ce titre ?  Génitif objectif ou subjectif ?  Est-ce le désastre qui est un thème ou un sujet pour l’écriture, ou faut-il dire l’inverse ?  Est-ce le désastre qui fait surgir l’écriture ou l’écriture qui entraîne le désastre ?  Ou l’écriture et le désastre seraient-ils tout simplement synonymes, selon un dédoublement qui échappe à la vieille hiérarchie du sujet traitant et du thème traité ? 

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