Espace Maurice Blanchot

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Timing Blanchot

Le 2 novembre 2018, à la Maison Française de New York University (NYU), s’est tenu un colloque intitulé « Timing Blanchot ». 

Zakir Paul et Denis Hollier, les organisateurs, ont ouvert la journée en évoquant le Blanchot des années trente et quarante. Dans la continuité du travail extrêmement juste et informé qu’il mène depuis plusieurs années, Zakir Paul, traducteur en anglais des Écrits politiques, a évoqué un Blanchot « préoccupé » par les questions de terreur et de non-violence et par le déclin spirituel de la nation française. Il s’est appuyé notamment sur ce texte étrange qu’est l’article sur Mahatma Gandhi. Sa critique fort juste des derniers opus de Surya et Nancy montre que ces derniers, comme d’autres auparavant, cherchent surtout à lire Blanchot avec leurs propres « préoccupations ». Denis Hollier s’est intéressé de très près aux Chroniques littéraires du Journal des débats. Sa lecture d’un article comme « Le silence des écrivains », où Blanchot prend en compte la difficulté d’écrire en temps de guerre et d’occupation, et tente paradoxalement d’interroger les livres qui n’ont pas paru plutôt que ceux qui ont été publiés, lui a permis de mettre en perspective d’autres chroniques, consacrées à quelques écrivains régionalistes et réalistes, et d’affirmer notamment que toute cette activité critique a pour objectif de préparer la réception de romans comme Thomas l’obscur et Aminadab. Car pour Blanchot alors, comme le formule joliment Denis Hollier, la littérature de la défaite est une défaite de la littérature.

Jean-François Hamel a prolongé certaines des orientations de son récent livre sur Blanchot et le Comité d’action étudiants-écrivains, en revenant notamment sur la qualification d’un « romantisme révolutionnaire » et les enjeux réels du « communisme d’écriture ». Michael Krimper a livré un commentaire et une mise en perspective très avertis des notions de diaspora, d’exil et de désœuvrement. Organisatrice du colloque de novembre 2017 à Northwestern, Nasrin Qader a livré une analyse de la notion de survivance, à travers la confrontation savoureuse de L’Instant de ma mort et d’un récit de Mohammed Dib, « Une partie de dés » (in La Nuit sauvage). Anne-Gaëlle Saliot a évoqué « la dette de Godard envers Blanchot », avec une virtuosité qui lui a permis de passer par de nombreux plans et discours du cinéaste.                                                                                      

Les discussions, très riches, ont permis d’éclairer les liens entre ce que Jean-François Hamel nomme une hétéronomie d’écriture, Denis Hollier un narcissisme contrarié et Christophe Bident la stratégie d’écriture des chroniques. La question de la signature est au croisement de ces enjeux : éditoriaux des années trente non signés, articles des années trente caviardés, tracts des années soixante non signés et pourtant fruits d’un énorme travail d’écriture et de réécriture… Les notions de neutre et de neutralisation ne sont pas loin : si la neutralisation de l’identité du signataire ne permet pas, a priori, de reconnaître l’appartenance à une œuvre, le neutre est ce qui permet de nouer le mouvement de dés-appartenance de l’écriture à l’engagement radicalement solitaire, voire solipsiste, d’un écrivain.

Christophe Bident a prononcé la dernière intervention. À l’occasion du lancement de la traduction de son essai biographique en anglais, sous le titre Maurice Blanchot, a Critical Biography, aux éditions Fordham, il est revenu sur les conditions d’écriture et de réception qui furent celles de son travail dans les années 1990. Il a livré un vibrant hommage à Hugo Santiago, décédé en ce début d’année, à travers une relecture du Très-Haut, livre que le cinéaste auteur d’Invasion appréciait particulièrement et tenait, avec un brin de provocation et une réelle acuité, pour un roman sud-américain.

Enfin, Gabriel Richard, premier violon titulaire à l’Orchestre de Paris, fondateur et membre du quatuor Thymos, a interprété la « Chaconne » de la deuxième partita en ré mineur de Bach. Une résonance magnifique en écho à la musicalité profonde de l’œuvre de Blanchot.

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