Espace Maurice Blanchot

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avril

Insomniaques

Zakir Paul publie un article intitulé Insomniacs : Vigilance in Blanchot and Levinas dans la revue French Studies (Vol. XX, N°XX, 1-18 ; https://doi.org/10.1093/fs/knae003). Il propose une belle réflexion, nécessaire, qui montre à la fois les affinités et les divergences qu’entretiennent les pensées de Blanchot et de Levinas. C’est même, semble-t-il, leur point de départ : dès Thomas l’Obscur et De l’existence à l’existant, l’insomnie est une notion majeure, nécessaire à la pratique de l’écriture pour l’un et de l’éthique pour l’autre.

« This essay argues that Blanchot and Levinas concentrate on a breach in being that threatens the constituted subject by pushing beyond its concerns towards the impersonal horror of existence. »

Deuxième séance du webinaire international Maurice Blanchot / 5 juin 2024

Cette séance sera consacrée aux travaux actuels de deux doctorants et d’un récent docteur. Chaque intervenant proposera une communication de 20 minutes, suivie d’un temps de débat.

Alex Obrigewitsch, doctorant, Université de Sussex (Royaume-Uni)

« Pas de la Lettre : Entre Autobiographie et Allothanatographie, Derrida et Blanchot »

Depuis sa première parution, Demeure de Derrida s’est imposée comme la lecture de L’Instant de ma mort de Blanchot qui fait autorité (les deux textes allant jusqu’à partager la couverture du même livre dans leur édition anglaise). Mais par quelle autorité le texte de Derrida revendique-t-il une place aussi centrale ? Par quoi s’impose-t-il et demeure-t-il ? Pas plus qu’une lettre. Cette présentation propose une contre-lecture à l’autorité de la lecture de Derrida à la lettre, en demeurant dans l’esprit errant et itinérant de la pensée de Blanchot et suivant l’exigence de l’écriture. Contestant l’attestation par Derrida du caractère autobiographique du récit de Blanchot, cette communication insiste sur le caractère nécessairement allothanatographique de L’Instant de ma mort : son écriture, comme toute écriture, reste celui d’une autre mort, de la mort d’un autre. Reprenant la lecture du texte de Blanchot derrière Derrida, cette présentation s’oriente vers la lecture du récit avant la lettre, c’est-à-dire de ce qui demeure de son écriture, attestant de l’impossibilité de dire.

Salatyiel Zue Aba’a, doctorant, Université de Picardie – Jules Verne (France)

Blanchot, Levinas, Derrida : une notion de « justice indécidable »

Pendant longtemps, Emmanuel Levinas est resté l’un des interlocuteurs privilégiés de Maurice Blanchot. Ensemble, ils ont centré leur réflexion politique sur la question du langage. Séparément, mais toujours en écho, ils ont établi des notions telles que « le neutre » et l’ « Il y a », des essais comme L’Entretien infini et Totalité et infini, avec le but de redonner un sens à un monde marqué par la terreur. À partir de 1963, les commentaires de Derrida ont donné un nouveau relief à ces rapports, en les orientant, entre autres, vers une notion de « justice indécidable ». Cette communication intervient dans le contexte d’une thèse de doctorat qui tente de penser l’exercice de la loi en lien à une pensée littéraire et philosophique et de justifier, à travers la responsabilité envers autrui, l’éthique du pouvoir qui émerge dans le langage.

Clément Willer, docteur, Université du Québec à Montréal et Université de Strasbourg

Le surgissement d’une « catastrophe » incontrôlable : une lecture des Impudents de Marguerite Duras (1943) à partir de la critique de Maurice Blanchot dans Le Journal des Débats.

La recension que livre Maurice Blanchot dans le Journal des Débats, en 1943, du premier roman de Marguerite Duras, Les Impudents, est une des premières traces de leur amitié. Les Impudents est l’histoire de Maud Taneran, jeune fille repliée dans une solitude sauvage, cherchant à échapper à un certain nombre de logiques familiales et sociales suffocantes. Sa mère la décrit comme une « catastrophe » énigmatique, incontrôlable. Revenant à la lecture de Maurice Blanchot qui en souligne la critique des aspects les plus « lugubres » de la société moderne, puisant aussi dans La Mort de la nature de l’historienne écoféministe Carolyn Merchant, il s’agira de déplier les significations anti-autoritaires et anti-patriarcales de ce premier roman. Il semble qu’on trouve en effet dans Les Impudents des prémisses de ce que Marguerite Duras nommera « refus sauvage » en 1968, expression associant une dimension que l’on peut qualifier de blanchotienne, celle du refus, et une dimension que l’on peut qualifier d’écoféministe, celle du sauvage.

Première séance du webinaire international Maurice Blanchot / 8 mars 2024 / Leslie Hill, Blanchot politique

La première séance du webinaire consacré à Maurice Blanchot a réuni 24 participants, connectés depuis l’Allemagne, l’Angleterre, le Brésil, le Canada, les États-Unis, la France et le Japon, le vendredi 8 mars 2024 à 13h.

Cette séance était consacrée au dernier livre de Leslie Hill : Blanchot politique : sur une réflexion jamais interrompue (Genève, Furor, 2020, 533 p).

Depuis son Blanchot : Extreme Contemporary, paru chez Routledge en 1997, Leslie Hill a consacré plusieurs livres à Blanchot et à des écrivains qui lui sont proches. Son Blanchot politique, écrit en français, est un événement : il renouvelle radicalement la compréhension du parcours politique de Blanchot. À rebours des lectures trop hâtives qui ont eu cours depuis quarante ans, et encore ces dernières années, avec lesquelles il entre en controverse, Leslie Hill a effectué un travail de recherche, de contextualisation et de lecture monumental, qui lui permet de mettre à jour de nouveaux éléments et de préciser ou de modifier ce que nous pensions déjà savoir. Nul ne saurait désormais parler avec un tant soit peu de sérieux de l’itinéraire politique de Blanchot sans avoir lu ce livre. En évitant tout parti pris idéologique, toute visée polémique, en revisitant toute l’œuvre – articles de presse, romans, récits, essais – Blanchot politique renouvelle notre compréhension de l’écrivain et de sa pensée. Deux tiers de l’ouvrage sont consacrés aux années 1930. Ils proposent une lecture aussi ample que détaillée, un travail patient d’historicisation et d’herméneutique, au sens le plus accompli du terme, qui vise ce que Gadamer appelle « fusion des horizons » : celui du jeune journaliste et écrivain parisien fréquentant la Jeune Droite il y a presque un siècle, celui de l’interprète aujourd’hui qui cherche à expliquer et comprendre, ce qui ne veut pas dire justifier et excuser, encore moins juger. Leslie Hill a dû surmonter pour ce faire une double difficulté : l’éloignement contextuel, surtout pour ces textes que l’auteur n’a jamais repris en volume, parus dans des journaux plus ou moins éphémères, dépendants de l’actualité nationale et internationale à laquelle ils réagissent ou qu’ils tentent d’anticiper ; le filtre polémique qui s’est surimposé devant l’accès à ces textes depuis les années 1980, entre arguments d’autorité, analyses expéditives et sentences intimidantes. Ainsi, l’Américain Jeffrey Mehlman, dans Legs de l’antisémitisme en France (Paris, Denoël, coll. « L’infini », 1984), prétend régler la question que soulève le titre de son essai en un chapitre d’une vingtaine de pages, qui se fonde uniquement sur les huit textes que Blanchot a publiés dans Combat (six en février-décembre 1936, deux en novembre-décembre 1937) et se contente de suivre à la trace une « mythologie solaire » (p. 32 et passim) que Blanchot est censé partager avec Bernanos et Thierry Maulnier… Quant au plus récent L’autre Blanchot : l’écriture de jour, l’écriture de nuit (Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2015, 146 p.) de Michel Surya, l’essayiste affirme sans ambages : « Les textes de L’Insurgé suffiront (hebdomadaire, 42 numéros parus, du 13 janvier au 27 octobre 1937) » (p. 38).

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