Espace Maurice Blanchot

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Christophe Bident

À plusieurs titres | Christophe Bident

Mort en 2003, Maurice Blanchot a laissé une œuvre composée de treize romans et récits, vingt essais critiques et philosophiques, plusieurs opuscules à résonance autobiographique et politique. Il avait également publié des centaines d’articles littéraires et politiques qu’il n’avait pas rassemblés de son vivant dans des recueils ; plusieurs volumes ont paru ces vingt dernières années. Reste la question des archives. Si quelques échanges épistolaires ont été rendus publics, l’ensemble de la correspondance reste aujourd’hui secret. Il ne semble pas y avoir à proprement parler d’inédits, même si l’écrivain avait élaboré des travaux dont on ne sait quelle était la destination ; c’est ainsi qu’a pu paraître, en 2019, Traduire Kafka, un ensemble de traductions du Journal et de la correspondance de Kafka. Enfin, il y a les manuscrits et tapuscrits, dont la plupart permettent de mesurer l’évolution d’un texte et d’en analyser, à deux ou plusieurs stades, les variations. Enfin ? Non, car il est encore un cas très spécial, celui du premier roman et de ses versions successives.

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La vie versée dans les récits | Christophe Bident

On aime souvent croire que Blanchot opposa la littérature à la vie, maintint l’œuvre dans la limite des jeux formels, méprisa l’anecdote et priva l’écrivain, à commencer par lui-même, du moindre trait biographique. Cela n’a jamais été vraiment le cas. Si Blanchot affirma que « sa vie est entièrement vouée à la littérature et au silence qui lui est propre », cela signifie aussi que la vie, à commencer par la sienne, est entièrement versée dans la littérature. Ce livre mesure les enjeux intimes, psychologiques, historiques, politiques, esthétiques et littéraires d’une telle conception. Il s’écrit comme une fiction documentée, qui propose l’histoire d’une écriture accueillant la vie tout en disposant d’elle, chez Blanchot, même chez Blanchot, et au-delà.

Disparition de Hugo Santiago

Hugo Santiago est mort, mardi 27 février.
Après avoir écrit il y a quinze ans : « Maurice Blanchot est mort », me voici contraint d’écrire : « Hugo Santiago est mort ». Et cela, paradoxalement, au moins immédiatement, a une résonance encore plus forte en moi. Hugo m’a appris à faire un film. Nous avons fait ce film sur Blanchot ensemble. Il m’a associé du début à la fin. Ce processus de création a accompagné celui de mon Partenaire invisible. Le film, le livre sont sortis la même année, il y a juste vingt ans, en 1998. Et tant d’amis, à l’un comme à l’autre, ont été associés. Il reste le magnifique auteur de Invasion. Il reste pour moi un des rares et des plus incroyables lecteurs de Blanchot. Il voyait dans les livres ce que nous ne voyons pas. Il voyait dans Le Très-Haut un roman sud-américain. Il est resté jusqu’au bout un lecteur incroyable, suivant toutes les « affaires », ayant les jugements les plus justes et les plus tranchants. Il était capable, après avoir parlé beaucoup, d’énoncer quelques mots retentissants. J’en entends beaucoup, encore. J’écrirai pour toi, viejo lobo.

Christophe Bident

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Maurice Blanchot | Colloque de Genève

parution le 15 octobre 2017

Maurice Blanchot
Colloque de Genève

Le colloque Maurice Blanchot, « La littérature encore une fois », s’est tenu à la Comédie de Genève les 17, 18, 19 et 20 mai 2017. Il a été organisé par les Éditions Furor et par l’Association des amis de Maurice Blanchot. Aux textes des interventions réunis dans ce livre s’ajoutent, en aparté, un entretien avec Benoît Jacquot et des impromptus sur son film, réalisé en 1970, intitulé « Lecture du chapitre X de Thomas l’Obscur de Maurice Blanchot ».

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Vous, Monique | Christophe Bident

Vous m’avez accueilli avec méfiance, pensant que je venais enquêter brutalement sur Maurice Blanchot. Vous m’avez permis de rester près de deux heures dans votre salon, assis à la place qui resterait la même pendant presque quinze ans. Au moment de partir, vous vous êtes étonnée que je ne vous aie posé une seule question sur Blanchot. Sur le seuil de la porte, vous m’avez demandé : vous faites une biographie, ou vous n’en faites pas ?

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Actes du colloque « Blanchot Romantique »

John McKeane and Hannes Opelz (eds)
A collection of Essays

Peter Lang

ISBN: 978-3-03911-973-8

317 pages
November 2010
 

The work of French writer and essayist Maurice Blanchot (1907–2003) is without doubt among the most challenging the twentieth century has to offer. Contemporary debate in literature, philosophy, and politics has yet to fully acknowledge its discreet but enduring impact. Arising from a conference that took place in Oxford in 2009, this book sets itself a simple, if daunting, task: that of measuring the impact and responding to the challenge of Blanchot’s work by addressing its engagement with the Romantic legacy, in particular (but not  only) that of the Jena Romantics. Drawing upon a wide range of philosophers and poets associated directly or indirectly with German Romanticism (Kant, Fichte, Goethe, Jean Paul, Novalis, the Schlegels, Hölderlin), the authors of this volume explore how Blanchot’s fictional, critical, and fragmentary texts rewrite and rethink the Romantic demand in relation to questions of criticism and reflexivity, irony and subjectivity, narrative and genre, the sublime and the neutre, the Work and the fragment, quotation and translation. Reading Blanchot with or against key twentieth-century thinkers (Benjamin, Foucault, de Man), they also examine Romantic and post-Romantic notions of history, imagination, literary theory, melancholy, affect, love, revolution, community, and other central themes that Blanchot’s writings deploy across the century from Jean-Paul Sartre to Jean-Luc Nancy. This book contains contributions in both English and French.

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Colloque « Blanchot Romantique »

BLANCHOT ROMANTIQUE

Maison française, 2-10 Norham Road, Oxford, 20-21 April 2009

PROGRAMME

With the participation of Monique Antelme, President of the Association des Amis de Maurice Blanchot

DAY ONE

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Entretien avec Didier Sicard

Didier Sicard – Photo: Parham Shahrjerdi

Grâce à la suggestion et à l’entremise de Pascal Possoz, nous avons rencontré Didier Sicard. Cet entretien a eu lieu le 15 décembre 2008 à l’Université Paris 7 – Denis Diderot. Didier Sicard évoque pour nous sa lecture de Blanchot, l’importance que cette lecture a pour lui en tant qu’homme et que médecin.

Christophe Bident, Jérémie Majorel, Parham Shahrjerdi


Didier Sicard est médecin, ancien président du Comité consultatif national d’éthique de 1999 à 2008, dont il reste président d’honneur. Il est professeur de médecine à l’université René-Descartes et a été chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin, à Paris. Ouvrages du professeur évoqués dans cet entretien : La Médecine sans le corps, Plon, 2002 ; « L’instrumentalisation du plaisir » in Alain Houziaux (sous la direction de), Le Corps, un plaisir ou un poids ?, Les Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières, 2006 ; préface et « Prudence et précaution » in Emmanuel Hirsch (sous la direction de), Ethique, médecine et société, Vuibert, 2007 ; préface à Donatien Mallet, La Médecine entre science et existence, Vuibert, 2007.
 

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Écrire, et après ? | Christophe Bident

Roger Laporte, Lettre à personne, Lignes & Manifestes, 2006.

Pour Roger Laporte, sous la direction de François Dominique, Lignes & Manifestes, 2006.

Cette Lettre à personne affiche pourtant deux lecteurs : Philippe Lacoue-Labarthe, auteur de la préface, Maurice Blanchot, auteur de la postface. Elle en masque un troisième, qu’elle ne dévoile qu’en dernière ligne, Claude Royet-Journoud, à l’origine du titre. Elle résonne aujourd’hui d’outre-tombe : c’en est la deuxième publication (elle fut éditée chez Plon en 1989), la première après la mort d’un auteur (le 24 avril 2001) qui avait déjà mis fin à son œuvre (le 24 février 1982) lorsqu’il entreprit de l’écrire (le 24 décembre 1982). Voici donc la lettre spectrale du spectre de l’écrivain qui, lorsqu’il décida une première fois de la publier, prit la précaution de s’entourer de deux, voire de trois amis. Une précaution qui l’élève et l’obsède, le protège et lui donne crédit.
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Ceux qui accusent Maurice Blanchot de nihilisme témoignent surtout du leur 

Entretien avec Christophe Bident
Propos recueillis par Patrick Kéchichian

Le titre avait été donné par la rédaction du Monde des livres.

1) Vous avez construit votre livre autour du concept de « reconnaissance ». En quoi ce que vous nommez un « besoin minimal » est-il aujourd’hui menacé ?

1. Précisons : il s’agit moins du besoin d’être reconnu que du besoin d’exercer une faculté de reconnaissance dans un monde où beaucoup est fait pour nous en priver, un monde de confusion généralisée et ordonnée. Et le besoin d’être reconnu ne saurait s’excepter de celui de reconnaître, si souvent concédé. C’est sur le fond de cette difficulté que tant d’écrivains et d’artistes du vingtième siècle ont parlé d’un impossible (Bataille), d’un indécidable (Resnais), d’un innommable (Beckett) ou d’un neutre (Barthes, Blanchot). D’où la structure du livre : il s’agit de voir comment, à partir d’un constat politique, économique, disons généralement anthropologique, la création artistique a pu construire ses propres figures, ses « plans de soutien » (Schiele), ses « étaux dans l’espace » (Decroux)… C’est un travail que j’ai envie de poursuivre mais j’ai choisi d’organiser ce livre-ci à partir de trois auteurs qui se sont explicitement affrontés à cette question de la reconnaissance. 

2) Dans ce même livre, vous liez les noms de Gilles Deleuze et de Robert Antelme à celui de Maurice Blanchot ? Pouvez-vous définir la nature de ce lien ?

2. Ce lien s’élabore sur le même horizon mais s’il ne change pas ainsi de « nature », comme vous dites, il change de ligne et peut-être de matériau. D’Antelme à Blanchot, il y a un lien direct : ils se sont connus, ont participé aux mêmes revues et aux mêmes mouvements politiques. Mais c’est plutôt à la nature d’un lien oblique, tacite, secret que je me suis attaché. J’ai voulu montrer en quoi les récits de Blanchot auraient pu en un sens être écrits par Antelme. Tous posent la question d’une reconnaissance écartée ou déniée, brouillée, suspectée, destituée, ignorée, effacée, usurpée, pour mieux affirmer son exigence éthique, sa nécessité imparable. La « littérarité » même du texte d’Antelme, glorifiée par le jeune Perec de L.G., ne se comprend pas hors cette demande de reconnaissance – non pas d’élévation ou de gratification, mais de justesse et de justice.

Entre Blanchot et Deleuze, il n’y a pas de lien si immédiat. Il aurait en un sens été plus légitime de joindre aux noms d’Antelme et de Blanchot ceux de Levinas, Bataille ou Derrida. Mais c’est qu’il ne s’agissait pas d’un essai sur les liens de Blanchot aux auteurs dont il a été le plus proche. Le nom de Deleuze vient ici comme un point d’orgue, ses phrases reviennent régulièrement pour témoigner d’un accord lointain mais absolu au mouvement qui porte Antelme dans le texte de Blanchot. Oui, comme une « oreille absolue » à l’égard de ce texte, de son espace, de ses résonances impersonnelles, de ses faces et de ses plis. 

3) Quel est, pour vous qui avez écrit un essai biographique sur lui (Champ Vallon,1998), la place de Maurice Blanchot dans la littérature et plus largement la pensée de notre époque?

3. Une place instable et très paradoxale, à la fois marginale et dominante. Marginale parce que la prétendue difficulté d’approche des récits n’a d’égale que la réelle difficulté des essais, et qu’on lui préfère souvent des auteurs plus faciles en apparence. Il suffit pourtant de lire quelques textes de Blanchot pour voir l’adhésion immédiate qu’ils peuvent susciter, chez les étudiants comme chez les comédiens, pour citer deux « publics » avec lesquels j’ai l’habitude de travailler. 

Une place dominante également, celle que la plupart des écrivains, des artistes, des penseurs les plus reconnus lui ont, précisément, reconnue. Lorsque Deleuze ou Lacan, Bataille ou Dupin le citent, on découvre une même admiration et une même volonté d’usage, non d’appropriation, mais, disons, d’extimation : il s’agit de prendre dans les textes de Blanchot ce qu’il y a de plus intime, de plus secret, de rapporter cette intimité à la sienne, en tant que cette intimité doublée ou redoublée participe à la création et à la signature d’autres images ou de nouveaux concepts.

4) Maurice Blanchot est très mal considéré par une partie des intellectuels ou des écrivains français (ceux, par exemple, qui publient la revue « Ligne de risque »). Que répondez-vous à leurs critiques ? 

4. Je n’ai rien à leur répondre en particulier. Ces manifestations ne sont que l’épiphénomène d’un mouvement de contestation de l’œuvre de Blanchot et, à travers elle, des œuvres qui en sont proches. Ce mouvement n’est pas nouveau, il est né avec l’œuvre de Blanchot et, sur le mode d’une opposition plus ou moins délicate, l’a toujours accompagnée. Le fait que les manifestations les plus récentes ont une « surface médiatique » plus large est explicable par le relâchement du tissu critique et par l’emprise de certaines revues ou maisons d’édition sur le champ littéraire. Il ne faut pas s’en alarmer. Deleuze, encore lui, évoquait dans son Abécédaire la faiblesse de l’époque dans laquelle nous entrions ; nous y sommes toujours, et nous en sortirons. Ce qu’il y a donc à répondre, d’un point de vue général, à ceux qui contestent l’œuvre de Blanchot, c’est que le nihilisme dont ils l’accusent ne témoigne que du leur. Oui, justement, c’est un leurre, auquel on peut opposer à nouveau les reconnaissances si différenciées de Bataille, Levinas, Bousquet, Char, Duras, Klossowski, Derrida, Foucault, Nancy, Lacoue-Labarthe, Jabès… pour ne pas nommer les critiques, Barthes, Nadeau, Poulet, Picon, Starobinski. On voit à quel point tout ceci est politique : car si à travers le nom de Blanchot ce sont encore tous ces noms qui sont visés, c’est aussi une conception de la littérature et de la philosophie non ministrable qui l’est.