Espace Maurice Blanchot

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Levinas, Blanchot : une proximité distante | Thomas Regnier

(Une version initiale de cet article a paru dans le dossier du Magazine littéraire consacré, en avril 2003, à Emmanuel Levinas)

Souvenirs d’une rencontre en 1923 alors que Levinas débute des études de philosophie à Strasbourg. Levinas, interrogé  en 1987 par François Poirié, évoque ainsi le jeune Blanchot : « Je ne peux pas le décrire. J’ai eu d’emblée l’impression d’une grande intelligence, d’une pensée se donnant comme une aristocratie, très éloigné de moi à cette époque-là, il était monarchiste, mais nous eûmes très vite accès l’un à l’autre (1). » Dans une lettre à la rédaction d’Exercices de la patience datée du 11 février 1980, Blanchot commentait lui aussi ce moment : « Je voudrais dire, sans emphase, que la rencontre d’Emmanuel Levinas, alors que j’étais étudiant à L’Université de Strasbourg, a été cette rencontre heureuse qui éclaire une vie dans ce qu’elle a de plus sombre (2). »

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L’ordre du jour | Didier Cahen

(Petite présentation de la matinée du samedi du grand colloque Blanchot en mars 2003 à Paris)

Samedi matin . Depuis 3 jours Blanchot posé, dé-composé, apposé x fois déjà, Blanchot la poésie, Blanchot le théâtre, les arts, Blanchot la théorie littéraire, la politique, la traduction  etc .etc. comme si son nom était si transparent qu’il faille en définir à tout moment l’ approche !
Ce matin donc une double  définition pour notre  sujet comme  dit le programme du colloque : Blanchot, récit de la pensée, pensée du récit. Sous le tour de rhétorique – ou son détour : pensée, récit inscrits dans le porte-à-faux d’une improbable symétrie – voici une bonne façon d’unir les  témoignages, de  dire la vérité, oui toute la vérité et rien que la vérité. Tout laisse penser, de fait, que les intervenants de cette demi-journée parleront d’une seule voix pour témoigner d’une vérité unique, unique mais éclatée.
Je pense d’abord à ces trois lecteurs d’exception, dont l’exception a croisé, un jour ou l’autre, la singularité de Blanchot. M. Holland, P. Madaule, C. Bident vous avez chacun à votre façon ouvert des  chemins pour la lecture de Maurice Blanchot, et de cela il faut déjà vous remercier.

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‘Entretien : Sur un désastre obscur’ | Leslie Hill

[Texte resté inédit, prononcé lors du colloque « Blanchot essentiel » dans le cadre des Revues parlées du Centre Pompidou, avril 2002]

Solitude qui rayonne, vide du ciel, mort différée : désastre.

Maurice Blanchot, L’Écriture du désastre

—   L’Écriture du désastre, voilà une parole qui sonne étrangement.  De quoi s’agit-il ?

—   Le titre de Blanchot ne se livre pas tout de suite.  Certes, il nomme le texte qu’il présente, qu’il ouvre et ferme tout à la fois.  Mais la logique du titre, on le sait, est de nature retorse.  Car c’est la fin qui commence, l’entrée en matière qui met un point final.  Structure paradoxale, parergonale.  Qui met en jeu tout un éventail de lectures possibles.  On peut les énumérer.  Le titre de Blanchot, par exemple, se rapporte-t-il uniquement au livre singulier que je tiens entre les mains?  Ou bien nomme-t-il l’écriture en tant que telle (s’il y en a) que ce livre s’efforcerait alors d’aborder comme thème, objet d’entretien, ou sujet de dissertation ?  Et ce mot de « désastre », dont on sait qu’il signifie (selon le dictionnaire) « événement funeste », « malheur très grave », « échec complet », comment faut-il l’entendre ?  Fait-il signe vers quelque événement historique précis, ou plutôt vers un état de fait éternel, qui n’existerait dans le temps que pour autant qu’il est hors du temps ?  Quel est encore le statut relatif des deux noms de choses évoqués dans ce titre ?  Génitif objectif ou subjectif ?  Est-ce le désastre qui est un thème ou un sujet pour l’écriture, ou faut-il dire l’inverse ?  Est-ce le désastre qui fait surgir l’écriture ou l’écriture qui entraîne le désastre ?  Ou l’écriture et le désastre seraient-ils tout simplement synonymes, selon un dédoublement qui échappe à la vieille hiérarchie du sujet traitant et du thème traité ? 

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