Espace Maurice Blanchot

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Lettre à un jeune cinéaste

Cher Monsieur,

Lisant le récent livre de Deleuze sur Foucault, il m’a remis en mémoire un texte de jadis (qui se trouve sans doute dans L’Entretien infini), intitulé « Parler (écrire), ce n’est pas voir ». De là mon appréhension, lorsque je vois l’écrit passer au visible. Même la lecture à voix haute m’est pénible. A peine paru, ce texte qui a près de quarante ans, France Culture m’a demandé de le faire lire par un comédien. J’ai refusé, bien que la demande vînt d’un ami.

Quant à mes livres, il y a eu des exceptions mais non autorisées. Ainsi l’ORTF a tiré un petit film de Thomas l’obscur (La Mort d’Anne) avec des images en couleur et la voix de Lonsdale. J’ai protesté en vain. A partir de là, je me suis rendu compte que je n’étais pas « propriétaire » de ces textes, et qu’en tant qu’auteur, je n’avais aucun droit, à condition précisément qu’on ne me demande pas d’autorisation.

Donc, ne m’en demandez pas. Faites comme si j’étais mort depuis fort longtemps et donc incapable de vous donner un avis d’outre-tombe.

Autrement, il faudrait passer par Gallimard qui détient le « copyright », donc la moitié des droits d’auteur. Passez donc outre. Agissez comme si j’avais, sinon les dons, du moins l’âge d’Homère.

                                                                                                                        Maurice Blanchot

En 1986, un jeune cinéaste d’Orléans, Dominique Emard, réalise « J », un film d’une vingtaine de minutes d’après un fragment de L’Arrêt de mort de Maurice Blanchot. Il écrit à l’auteur, via Gallimard, pour solliciter son autorisation de le diffuser dans un cadre non commercial. Voici le court billet qu’il reçut par retour du courrier. L’enveloppe porte un cachet de la Poste daté du 16 août.

Trafic, n°49, printemps 2004, P.O.L., Paris, p. 139.

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