En septembre 1942, un an environ après la sortie de la première version de Thomas l’Obscur, Maurice Blanchot, ancien journaliste politique et critique littéraire au Journal des débats, fait paraître encore sous l’Occupation son deuxième grand roman, qui s’annonce sous ce titre quelque peu énigmatique, emprunté aux poèmes de Jean de la Croix : Aminadab. On sait que le roman était en chantier depuis le début des années 1930 ; on sait également qu’à la mort de Blanchot en 2003 un certain nombre de documents provenant des archives personnelles de l’écrivain ont été acquis par la Bibliothèque Houghton de Harvard qui les a mis à la disposition des chercheurs et lancé un important programme de numérisation. Parmi les textes conservés ainsi (dont Thomas le Solitaire et Le Mythe d’Ulysse transcrits par nous et édités chez Kimé en 2022 et 2023) se trouve entre autres une version manuscrite d’Aminadab, bien antérieure au roman publié par Gallimard en 1942, et qui daterait, pour ce qui est de cet avant-dernier état du texte, selon toute vraisemblance de l’année 1941. Comportant de multiples corrections, reprises, ratures, ou suppressions, ce manuscrit inédit est plus long d’un tiers de la version du roman que l’on connaît, dont on sait l’importance capitale pour l’œuvre de Blanchot et pour la littérature moderne. Ainsi, permet-il une nouvelle entente du travail de romancier de Blanchot, de ses hésitations et ses repentirs, ses tours et ses détours, ses pas de côté et ses pas en avant, ses audaces et ses scrupules. Aminadab, roman-labyrinthe, c’est donc, et dès le début, ainsi que le confirme cette avant-dernière version du texte, un work in progress, une œuvre à venir, toujours et encore en proie au désœuvrement. C’est ce que pourront constater, qu’ils connaissent bien ou encore mal l’œuvre de Blanchot, lectrices et lecteurs de cet Aminadab, version manuscrite qui paraîtra chez Kimé dès le 18 octobre 2024.
Leslie Hill
La première séance du webinaire consacré à Maurice Blanchot a réuni 24 participants, connectés depuis l’Allemagne, l’Angleterre, le Brésil, le Canada, les États-Unis, la France et le Japon, le vendredi 8 mars 2024 à 13h.
Cette séance était consacrée au dernier livre de Leslie Hill : Blanchot politique : sur une réflexion jamais interrompue (Genève, Furor, 2020, 533 p).
Depuis son Blanchot : Extreme Contemporary, paru chez Routledge en 1997, Leslie Hill a consacré plusieurs livres à Blanchot et à des écrivains qui lui sont proches. Son Blanchot politique, écrit en français, est un événement : il renouvelle radicalement la compréhension du parcours politique de Blanchot. À rebours des lectures trop hâtives qui ont eu cours depuis quarante ans, et encore ces dernières années, avec lesquelles il entre en controverse, Leslie Hill a effectué un travail de recherche, de contextualisation et de lecture monumental, qui lui permet de mettre à jour de nouveaux éléments et de préciser ou de modifier ce que nous pensions déjà savoir. Nul ne saurait désormais parler avec un tant soit peu de sérieux de l’itinéraire politique de Blanchot sans avoir lu ce livre. En évitant tout parti pris idéologique, toute visée polémique, en revisitant toute l’œuvre – articles de presse, romans, récits, essais – Blanchot politique renouvelle notre compréhension de l’écrivain et de sa pensée. Deux tiers de l’ouvrage sont consacrés aux années 1930. Ils proposent une lecture aussi ample que détaillée, un travail patient d’historicisation et d’herméneutique, au sens le plus accompli du terme, qui vise ce que Gadamer appelle « fusion des horizons » : celui du jeune journaliste et écrivain parisien fréquentant la Jeune Droite il y a presque un siècle, celui de l’interprète aujourd’hui qui cherche à expliquer et comprendre, ce qui ne veut pas dire justifier et excuser, encore moins juger. Leslie Hill a dû surmonter pour ce faire une double difficulté : l’éloignement contextuel, surtout pour ces textes que l’auteur n’a jamais repris en volume, parus dans des journaux plus ou moins éphémères, dépendants de l’actualité nationale et internationale à laquelle ils réagissent ou qu’ils tentent d’anticiper ; le filtre polémique qui s’est surimposé devant l’accès à ces textes depuis les années 1980, entre arguments d’autorité, analyses expéditives et sentences intimidantes. Ainsi, l’Américain Jeffrey Mehlman, dans Legs de l’antisémitisme en France (Paris, Denoël, coll. « L’infini », 1984), prétend régler la question que soulève le titre de son essai en un chapitre d’une vingtaine de pages, qui se fonde uniquement sur les huit textes que Blanchot a publiés dans Combat (six en février-décembre 1936, deux en novembre-décembre 1937) et se contente de suivre à la trace une « mythologie solaire » (p. 32 et passim) que Blanchot est censé partager avec Bernanos et Thierry Maulnier… Quant au plus récent L’autre Blanchot : l’écriture de jour, l’écriture de nuit (Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2015, 146 p.) de Michel Surya, l’essayiste affirme sans ambages : « Les textes de L’Insurgé suffiront (hebdomadaire, 42 numéros parus, du 13 janvier au 27 octobre 1937) » (p. 38).
Read More …Le principal objectif de ce webinaire est de rassembler et faire dialoguer les chercheurs qui, dans le monde entier, travaillent sur, avec ou à partir de l’œuvre de Blanchot. En particulier, le séminaire peut ouvrir des perspectives à des étudiants en master ou en doctorat. ll reprend en ce sens le travail qui avait été mené à l’Université Paris 7 – Denis Diderot par Christophe Bident, Jonathan Degenève et Jérémie Majorel, avec l’organisation annuelle d’une journée d’études qui, entre 2002 et 2012, avait donné lieu à 68 communications. Sa durée est de 2 heures et il aura lieu quatre fois par an.
Il est organisé par Christophe Bident, professeur des universités, membre du Centre de Recherches en Arts et Esthétique (CRAE) de l’Université de Picardie-Jules Verne, et par Jérémie Majorel, maître de conférences, habilité à diriger des recherches, membre du laboratoire Passages XX-XXI de l’Université de Lyon 2.
PREMIÈRE SÉANCE : BLANCHOT POLITIQUE, AVEC LESLIE HILL
8 mars 2024
à 7h heure de Montréal et New York, 12h heure de Londres, 13h heure de Paris, 21h heure de Tokyo…
Lien de connexion :
https://u-picardie-fr.zoom.us/j/8697149030?pwd=SE12dUtFUnJqWDZKbVZhdzd2WGM2dz09
Read More …Maurice Blanchot, Thomas le Solitaire, éditions Kimé, mai 2022
À sa mort survenue le 20 février 2003, Maurice Blanchot, on le sait, a laissé derrière lui dans divers endroits un ensemble important d’objets, dont livres et photos, et de documents personnels, parmi lesquels des manuscrits, des épreuves, des notes de lecture, des traductions partielles, et des correspondances. Ceux-ci ont été largement dispersés par la suite, on le sait aussi, selon des voies hasardeuses et aléatoires. N’auraient échappé à ce sort que les papiers personnels de l’écrivain entreposés dans le pavillon de banlieue au Mesnil-Saint-Denis dans les Yvelines où il a passé les dernières années de sa vie. Après bien des détours, ces archives ont été acquises en 2015 par la Houghton Library de l’Université de Harvard qui les a mises à la disposition des chercheurs et lancé un important programme de numérisation.
Read More …Il y a un peu plus d’un mois, un ami vient de me l’apprendre, est sorti chez Hermann, dans la collection Le Bel Aujourd’hui dirigée par Danielle Cohen-Levinas, un nouvel opuscule signé Michel Surya, qui reprend quelques pages parues d’abord dans la traduction allemande de son livre polémique de 2015, L’Autre Blanchot, et publiées en mai 2020 dans la revue Lignes — L’Autre Blanchot (suite et fin), y proclamait l’auteur —, assorties de deux lettres de Jean-Luc Nancy, du 29 octobre 2019 et du 9 janvier 2020, dont la seconde comporte un post-scriptum (décembre 2020) sur lequel je reviendrai. Dans ce supplément de son travail de 2015, comme l’indique son titre (À plus forte raison: Maurice Blanchot, 1940-1944), Surya entend jeter un jour nouveau sur les activités politiques de Blanchot sous l’Occupation, notamment sa collaboration au Journal des Débats entre 1941 et 1944 et l’épisode de la mise en joue de l’été 1944 dont L’Instant de ma mort raconte les grands traits. Du nouveau, pourtant, dans la prose inutilement alambiquée de Michel Surya, on peine à le trouver. Déjà dans L’Autre Blanchot, comme j’ai pu le démontrer (dans Nancy, Blanchot: A Serious Controversy, ouvrage paru en anglais en 2018, et Blanchot politique : sur une réflexion jamais interrompue, livre publié en français aux éditions Furor en 2020), Surya procédait par citations trafiquées, lectures hâtives, interprétations tendancieuses, phrases arrachées à leur contexte, et amalgames peu crédibles, pour soutenir qu’avant-guerre Blanchot journaliste aurait été proche d’un certain fascisme ouvertement antisémite. Intervention d’une singulière mauvaise foi et dénuée de preuves historiques fiables, et dont la seule raison d’être, en faisant croire à son autorité pourtant nulle en la matière, est de mettre en valeur le nom même de Michel Surya.
Read More …On le compte parmi les plus illustres : écrivain hors pair, critique littéraire d’une rare sensibilité et d’une influence sans égale, artisan de la déconstruction avant la lettre, penseur de la littérature dans ce qu’elle a de plus exigeant. Et pourtant plane sur l’œuvre un doute ou un soupçon, si ce n’est, selon la rumeur, un blâme ou une faute : les engagements politiques de l’écrivain d’avant-guerre. On le sait : entre 1931 et le mois de juillet 1940, Maurice Blanchot a mené une activité de journaliste politique dans la presse de droite, nationaliste, parfois extrémiste. Ces textes politiques d’avant-guerre, on croit les connaître, mais jusqu’ici, par embarras ou par hostilité bien-pensante, on ne les a quasiment jamais lus. Et l’on a tout autant évité de s’interroger sur le rapport entre l’œuvre du romancier et du critique littéraire et ses engagements politiques ultérieurs, sous l’Occupation, contre la République gaullienne, contre la guerre d’Algérie, contre l’antisémitisme, pour un certain communisme. C’est à cette tâche pourtant essentielle que s’emploie avec rigueur et pour la première fois ce Blanchot politique. En ressort un portrait plus exact et encore inédit de celui dont Georges Bataille disait qu’il était « bien l’esprit le plus original de son temps ».
parution le 15 octobre 2017
Maurice Blanchot
Colloque de Genève
Le colloque Maurice Blanchot, « La littérature encore une fois », s’est tenu à la Comédie de Genève les 17, 18, 19 et 20 mai 2017. Il a été organisé par les Éditions Furor et par l’Association des amis de Maurice Blanchot. Aux textes des interventions réunis dans ce livre s’ajoutent, en aparté, un entretien avec Benoît Jacquot et des impromptus sur son film, réalisé en 1970, intitulé « Lecture du chapitre X de Thomas l’Obscur de Maurice Blanchot ».
Read More …John McKeane and Hannes Opelz (eds)
A collection of Essays
ISBN: 978-3-03911-973-8
317 pages
November 2010
The work of French writer and essayist Maurice Blanchot (1907–2003) is without doubt among the most challenging the twentieth century has to offer. Contemporary debate in literature, philosophy, and politics has yet to fully acknowledge its discreet but enduring impact. Arising from a conference that took place in Oxford in 2009, this book sets itself a simple, if daunting, task: that of measuring the impact and responding to the challenge of Blanchot’s work by addressing its engagement with the Romantic legacy, in particular (but not only) that of the Jena Romantics. Drawing upon a wide range of philosophers and poets associated directly or indirectly with German Romanticism (Kant, Fichte, Goethe, Jean Paul, Novalis, the Schlegels, Hölderlin), the authors of this volume explore how Blanchot’s fictional, critical, and fragmentary texts rewrite and rethink the Romantic demand in relation to questions of criticism and reflexivity, irony and subjectivity, narrative and genre, the sublime and the neutre, the Work and the fragment, quotation and translation. Reading Blanchot with or against key twentieth-century thinkers (Benjamin, Foucault, de Man), they also examine Romantic and post-Romantic notions of history, imagination, literary theory, melancholy, affect, love, revolution, community, and other central themes that Blanchot’s writings deploy across the century from Jean-Paul Sartre to Jean-Luc Nancy. This book contains contributions in both English and French.
Read More …BLANCHOT ROMANTIQUE
Maison française, 2-10 Norham Road, Oxford, 20-21 April 2009
PROGRAMME
With the participation of Monique Antelme, President of the Association des Amis de Maurice Blanchot
DAY ONE
Read More …