Espace Maurice Blanchot

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2007

« Qui saura jamais dire, écrire ce qui se passe dans un battement ? » | Jonathan Degenève

A propos de l’essai de Ginette Michaud : Tenir au secret (Derrida, Blanchot)

Ginette Michaud aborde la question du secret en derridienne. Il est vrai, c’est un certain type de secret qu’elle interroge dans Tenir au secret qui paraît chez Galilée (Paris, 2006) : c’est celui qui se noue entre Blanchot et Derrida, justement, et ce à travers L’Instant de ma mort[1] et Demeure[2], mais également à travers une lettre de Blanchot à Derrida. A l’endroit de cette lettre, Ginette Michaud fait d’ailleurs plus qu’explorer, en en proposant une « entrelecture » (p. 12), tous ces nouages qu’il y a entre un récit et un commentaire, un commentaire et un document, un document et un témoignage. Car à l’endroit de cette lettre dans laquelle Blanchot dit à Derrida qu’il « connu[t] le bonheur d’être presque fusillé » (p. 65), celle qui chemine fait « un pas de côté » (p. 11) par rapport à celui qu’elle accompagne par ailleurs de si près, un pas de côté qui l’éloigne un peu du philosophe et qui la rapproche sinon davantage de l’écrivain du moins de l’écriture. La figure de « l’acolyte » rencontre alors celle de « l’anacoluthe » (p. 126), pour le dire avec une formule qui appartient certes à Derrida, mais que Ginette Michaud semble avoir fait sienne à ce point qu’elle s’en sert comme d’un levier pour introduire et creuser un écart. C’est un décrochage critique, si l’on veut, et il laisse la place à une distance au sein d’une proximité toujours très grande. Or, c’est dans la mesure de ce recul que se tient précisément le secret mais aussi, et peut-être surtout, l’amitié et la responsabilité. Ainsi, tout reste relié, fût-ce par le biais d’une interruption. Reste à savoir comment et pourquoi.  

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La conversion de Blanchot | Didier Cahen

« Dans l’œuvre l’homme parle, mais l’œuvre donne voix, en l’homme, à ce qui ne parle pas ».

Maurice Blanchot, L’espace littéraire

Avec la mort tout devient simple ! Jamais adage ne fut plus amplement vérifié. A l’occasion du premier anniversaire de la disparition de Maurice Blanchot, peut-être le temps est-il venu de faire le point.

Rappelons, pour commencer, les faits. Maurice Blanchot est attaqué avec constance en raison de son indéniable engagement politique à la droite de la droite dans les années 30 ; par ailleurs, son œuvre, qui porte haut « la mort », est régulièrement accusée de se complaire dans le nihilisme  et « la nécrophilie » (1). Ce que récusent, arguments à l’appui, les plus fervents lecteurs de l’œuvre ! Vaine querelle, dira-t-on, si elle ne concernait l’un des penseurs et écrivains majeurs du XXème siècle, puisqu’au moins sur ce point les opinions convergent.

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Philippe Lacoue-Labarthe, la syncope reste ouverte | Jean-Luc Nancy

A toi, Philippe, pour te saluer. Pour te dire un adieu qui ne te promet aucun Dieu, puisque tu es parti vers rien ou vers toi-même, à moins que ce ne soit vers nous ­ enfin tourné, retourné vers nous, forcément détourné des lointains vers lesquels tu ne t’en vas pas puisqu’ils ne sont pas. A toi qui es entré dans la seule présence pour toi douée de stabilité, dans la station et sur la stèle où tu déchiffrais l’immobilité dangereuse de ce qui se prétend identifié : la figure cernée, érigée. Entré dans l’inadmissible, disais-tu, de cette stance : l’étant transi, rien qu’étant, soustrait à l’infini d’être. Entré dans ce révoltant non-lieu d’être.

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Maurice Blanchot | Jean-Luc Nancy

L’entretien infini, avec ce titre – celui d’un des plus imposants de ses ouvrages – on pourrait tenter d’emblématiser la pensée de Maurice Blanchot. À dire vrai, moins une pensée qu’une posture ou un geste : celui d’une confiance. Avant tout, Blanchot fait confiance à la possibilité de l’entretien. Ce qui s’y entretient (avec un autre, avec soi-même, avec la propre poursuite de l’entretien), c’est le rapport toujours renouvellé de la parole avec l’infini du sens qui fait sa vérité. L’écriture (la littérature) nomme ce rapport. Elle ne transcrit pas un témoignage, elle n’invente pas une fiction, elle ne délivre pas un message : elle trace le parcours infini du sens en tant qu’il s’absente. Cet abstentement n’est pas négatif, il fait la chance et l’enjeu du sens même. « Écrire » signifie approcher sans relâche la limite de la parole, cette limite que la parole seule désigne et dont la désignation nous illimite (nous, les parlants).

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