Cahiers Maurice Blanchot n° 6
Point de signe plus éloquent de l’intense intérêt suscité par l’œuvre de Blanchot sur le plan international, que les divers colloques, journées de travail et autres activités qui continuent de se produire en Amérique du Sud. Nous sommes très heureux d’accueillir dans ce numéro quelques-unes des interventions lors d’un récent colloque qui s’est tenu à Santiago, et dont le thème – Écriture et Pouvoir – non seulement demeure d’une très grande pertinence pour tout lecteur de Blanchot, mais interpelle chacun de nous aujourd’hui où, partout en Europe, partout dans le monde, les relations entre politique, pouvoir et violence entrent dans une nouvelle et parfois inquiétante phase. Comment ignorer, devant les crises qui ne cessent de se multiplier, que les interrogations les plus graves suscitées par l’œuvre et la vie de Blanchot ne cessent de résonner au cœur politique de notre actualité ? Toujours dans cette perspective internationale, Jean-François Hamel commente autour d’une lettre inédite l’intérêt de Blanchot pour la révolution cubaine. Et nous ouvrons le numéro avec un ensemble précieux de lettres envoyées à François Dominique, qui éclairent un des derniers projets éditoriaux de Blanchot, et témoignent d’un engagement au nom des persécutées et contre l’oppression qui a duré jusqu’à la fin de ses jours. Dans ce numéro des Cahiers Maurice Blanchot, la question n’est pas tant d’ausculter le rapport que Blanchot entretient avec le ou la politique, que d’interroger ce qui, dans son œuvre, fait politique. Aussi, il s’avère nécessaire d’interroger le concept de politique sans le figer dans des prédicats et sans le soustraire non plus à l’histoire et aux engagements de Blanchot. Le dossier que nous présentons rend hommage à cette dimension d’événement qui porte en lui une béance irréductible que l’on peut aussi entendre comme un avènement, comme une force séminale pour la pensée et l’écriture.
Cahiers Maurice Blanchot
« Peut-il y avoir un récit pur ? » À cette question, posée par Maurice Blanchot en 1954, celui-ci avait déjà cherché à répondre en écrivant, entre 1948 et 1953, un « triptyque » de récits : L’Arrêt de mort (1948), Au moment voulu (1951), Celui qui ne m’accompagnait pas (1953). De l’un à l’autre, la narration s’est vue progressivement allégée de « l’épaisseur romanesque » à l’intérieur de laquelle le récit s’est enfoui à l’époque moderne, et que les propres romans de Blanchot avaient alourdie parfois à outrance.
Toutefois, aller du roman au récit pour Blanchot, c’était moins épurer l’acte narratif que dégager pleinement ce qui rend cet acte imperfectible et de ce fait, interminable. Si narrer donne lieu à un mouvement que le roman ne maîtrisait pas et ne pouvait que subir, ce mouvement représente pour le récit un seul et unique événement, qu’il a pour tâche de rendre présent en le racontant. Tâche vouée à l’échec, mais qui se renouvelle sans cesse, et à laquelle le « pas de récit, plus jamais », proféré au tournant même qui rendait au récit ses pleins droits, ne met pas fin, la proclamant au contraire dans toute sa pérennité.
Le quatrième Cahier Maurice Blanchot présente deux dossiers importants. Premièrement, renouvelant une collaboration qui remonte jusqu’aux années Gramma, Christian Limousin et Michael Holland ont réuni plusieurs études au sujet des relations d’amitié qui se sont tissées entre Maurice Blanchot et Georges Bataille à partir de leur rencontre en 1940. Cette amitié est devenue un poncif de l’histoire littéraire du xxe siècle en France, au mépris souvent des réalités qui en ont fait, contre toute épreuve, un des plus grands foyers d’activité intellectuelle que ce siècle aura connu. Interrogeant les divers aspects qui caractérisent les relations entre les deux écrivains (autorité, amitié, communauté, expérience), les abordant à la lumière des appartenances et des fidélités qui leur étaient communes, les auteurs du dossier offrent une perspective rigoureusement internationale sur un sujet qui en France tend depuis un certain temps à se figer en s’appauvrissant. Théorique, critique mais aussi littéraire, ce dossier pose les jalons d’une lecture digne des rapports entre deux grands écrivains qui, comme le montre notre second dossier, ne cessent d’interroger notre actualité. En conclusion de ce dossier nous proposons une deuxième livraison de notre rubrique « L’Archive introuvable », consacrée aux correspondances de Blanchot et de Bataille au sujet du deuxième numéro de la revue Actualité, qui finalement n’a pas paru.
Read More …Le présent Cahier vise à accompagner la Journée d’études consacrée à deux grands lecteurs de Maurice Blanchot : Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy. En publiant ici même les textes de cette journée, nous souhaitons poursuivre la réflexion et faire se dialoguer ensemble des auteurs, spécialistes ou non de Blanchot, pour qui cette œuvre ne cesse de tracer un chemin infatigable au travers une multitudes d’expérience de pensée. Selon l’impact que nous lui connaissons, l’œuvre de Maurice Blanchot suscite aujourd’hui un indéniable intérêt qui n’est pas sans soulever quelques polémiques dominées par ce qu’il est convenu d’appeler le passé politique de Blanchot. Nouvelle donne, nouveaux soubresauts. Le passé politique de Blanchot n’en finit pas de revenir sur le tapis. Réponse, questionnement ou sollicitation ? La réflexion ne saurait certes se poser dans les termes qui sont ceux d’une soi-disant œuvre de vérité historique. Non que les arguments déployés ici et là ne puissent s’ordonner en une indéniable logique historique, mais cette logique ne peut prétendre détenir les clés d’un supposé verdict, à la fois juste et définitif.
Read More …Le second numéro des Cahiers Maurice Blanchot s’ouvre sur un long hommage à Monique Antelme, rendu par ses amis. Celle qui fut la présidente de l’association qui créa ces Cahiers fut surtout la seule amie intellectuelle qui côtoya Maurice Blanchot jusqu’à sa mort, la seule à assurer le lien depuis que Blanchot s’était retiré en banlieue parisienne dans les années 1970. Sont rassemblés dans ces Cahiers des témoignages de Danielle Cohen-Levinas, Jean-Luc Nancy, Maurice Nadeau, ou encore de Michel Deguy et de Daniel Dobbels, dix-huit au total. On trouve aussi dans ce numéro un dossier sur « Blanchot et les questions juives », des études et des notes de lecture.
Read More …Au sommaire : les cartes postales de Derrida à Blanchot, essais de Jean-Luc Nancy, Didier Cahen, Kevin Hart, textes prononcés lors d’un « Samedi du livre » au Collège International de Philosophie (Gisèle Berkman, Danielle Cohen-Levinas, Leslie Hill, Michael Holland), études (L’Arrêt de mort par Jérémie Majorel, la figure de l’enfant chez Blanchot par Daniel Dobbels, Blanchot contre de Gaulle par Yuji Nishiyama), tribune libre (pensée et écriture par Michel Deguy), note de lecture (les Lettres à Vadim Kozovoi par Serge Zenkine).
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