En octobre 2021, le numéro 15 du bulletin des éditions Suiseisha, Missive Comète, a édité un dossier spécial sur « Blanchot pendant la deuxième guerre mondiale », avec la contribution de Shinichiro Yasuhara et cinq traducteurs, à la suite de la parution de la traduction des Chroniques littéraires du Journal des débats.
Pour Shinichiro Yasuhara, Blanchot a peut-être essayé d’accomplir la tentative de « servir de Vichy contre Vichy » en écrivant sur la littérature dans Les Journal des débats, journal aidé financièrement par le gouvernement Vichy (« Écrire en France pendant la deuxième guerre mondiale »).
En présentant une lettre de Michael Holland remarquant « l’importance de ces années de travail [1941-1944] pour l’évolution de la pensée de Blanchot », Kai Gohara souligne l’instabilité de la forme des Chroniques littéraires et fait remarquer qu’on peut les lire comme des traces des dialogues de l’auteur avec Paulhan et Bataille (« Devenir critique, ou, commencement d’une disparition »).
En se référant à la distinction que Blanchot a présentée dans une lettre à Roger Laporte, Hiroaki Momma considère l’époque des Chroniques littéraires comme le passage de « l’écriture du jour » à « l’écriture de la nuit ». Il signale ensuite que « le silence des écrivains » remarqué dans les deux premières chroniques qui traitent exceptionnellement de l’actualité comporte déjà quelques sauts dans le questionnement essentiel qui prévoit les critiques blanchotiennes à venir (« Du silence au silence »).
En s’appuyant sur les chroniques de 1941 qu’il a traduites, Manabu Ishikawa, spécialiste de Bataille, fait remarquer que pour Blanchot, le travail de l’écrivain consiste à nier l’individu lié au monde actuel pour passer à l’universel où s’ouvre l’horizon de la communauté. Il signale que dans cette idée, on peut constater que dès les premières années de critique littéraire, Blanchot a commencé à penser avec Bataille (« Blanchot au début »).
Ryota Ito signale que Blanchot traite dans ses chroniques littéraires, notamment en 1943, de nombreux livres concernant l’histoire, de Suite française à L’Apocalypse de saint Jean, vision chrétienne de l’histoire. En se référant à l’étude de Michael Holland, il remarque que Blanchot voit dans la situation de la deuxième guerre mondiale, au moins dans ce temps de 1943, une rupture qui rendrait impossible l’histoire d’une nation (« Blanchot et l’histoire – sur quelques chroniques en 1943 »).
Après avoir estimé que Blanchot écrivait calmement les chroniques et admis qu’il s’y trouve peu de traces de l’époque de l’occupation, Hanako Takayama remarque qu’il s’y trouve cependant assez de traces minutieuses de la première guerre mondiale, par exemple dans « Considérations sur le héros » (1942). Elle propose ainsi d’imaginer comment les souvenirs de la première guerre mondiale revenaient pendant la deuxième guerre mondiale (« Blanchot en 1942 – vers les traces de la première guerre mondiale »).
Kai Gohara