En septembre 1942, un an environ après la sortie de la première version de Thomas l’Obscur, Maurice Blanchot, ancien journaliste politique et critique littéraire au Journal des débats, fait paraître encore sous l’Occupation son deuxième grand roman, qui s’annonce sous ce titre quelque peu énigmatique, emprunté aux poèmes de Jean de la Croix : Aminadab. On sait que le roman était en chantier depuis le début des années 1930 ; on sait également qu’à la mort de Blanchot en 2003 un certain nombre de documents provenant des archives personnelles de l’écrivain ont été acquis par la Bibliothèque Houghton de Harvard qui les a mis à la disposition des chercheurs et lancé un important programme de numérisation. Parmi les textes conservés ainsi (dont Thomas le Solitaire et Le Mythe d’Ulysse transcrits par nous et édités chez Kimé en 2022 et 2023) se trouve entre autres une version manuscrite d’Aminadab, bien antérieure au roman publié par Gallimard en 1942, et qui daterait, pour ce qui est de cet avant-dernier état du texte, selon toute vraisemblance de l’année 1941. Comportant de multiples corrections, reprises, ratures, ou suppressions, ce manuscrit inédit est plus long d’un tiers de la version du roman que l’on connaît, dont on sait l’importance capitale pour l’œuvre de Blanchot et pour la littérature moderne. Ainsi, permet-il une nouvelle entente du travail de romancier de Blanchot, de ses hésitations et ses repentirs, ses tours et ses détours, ses pas de côté et ses pas en avant, ses audaces et ses scrupules. Aminadab, roman-labyrinthe, c’est donc, et dès le début, ainsi que le confirme cette avant-dernière version du texte, un work in progress, une œuvre à venir, toujours et encore en proie au désœuvrement. C’est ce que pourront constater, qu’ils connaissent bien ou encore mal l’œuvre de Blanchot, lectrices et lecteurs de cet Aminadab, version manuscrite qui paraîtra chez Kimé dès le 18 octobre 2024.
octobre
Parham Shahrjerdi vient de publier la traduction persane de L’Instant de ma mort de Maurice Blanchot, exactement trente ans après sa première parution, le 22 septembre. Cette traduction est enrichie de notes contextuelles et de réflexions profondes sur l’acte de condamner à mort, sur ce qui se joue lorsqu’on décide d’exécuter un être humain. Parham Shahrjerdi revient sur l’exécution suspendue d’un écrivain — un parmi tant d’autres — qui a été conduit au bord de la mort, qu’elle soit par un mur d’exécution ou une corde passée autour du cou. Et au dernier instant, le bourreau, le régime, la Loi choisit de retenir la mort, laissant l’homme en sursis, condamné à vivre avec l’ombre de sa mort imminente.
Cette histoire est celle de Maurice Blanchot, mais elle fait écho à celle de milliers d’Iraniens, qu’ils soient célèbres, oubliés ou anonymes, exécutés, en sursis, ou dans l’attente de leur exécution. Ce n’est pas simplement une traduction, mais une mise en perspective, une résonance entre les époques et les destins, entre la littérature et l’histoire tragique des peuples.
Dans ses écrits qui accompagnent cette traduction, Parham Shahrjerdi souligne également les événements qui ont conduit Maurice Blanchot à rompre avec les éditions Fata Morgana, refusant catégoriquement toute compromission avec l’extrême droite. À une époque où la normalisation de l’extrême droite est devenue une banalité, ces rappels s’avèrent particulièrement importants.
Parham Shahrjerdi évoque également l’hospitalité inconditionnelle de Jacques Derrida, qui a offert à ce texte de Blanchot une demeure entière, accueillant son œuvre avec une amitié fidèle et une vigilance sans faille. Cette hospitalité est bien plus qu’un simple geste d’amitié : elle incarne des valeurs d’accueil inconditionnel, des qualités dont notre époque a désespérément besoin, mais qui lui font cruellement défaut.
Pour en savoir plus et découvrir la traduction persane de L’Instant de ma mort, rendez-vous sur le site de l’éditeur Nashré Paris.