« Peut-il y avoir un récit pur ? » À cette question, posée par Maurice Blanchot en 1954, celui-ci avait déjà cherché à répondre en écrivant, entre 1948 et 1953, un « triptyque » de récits : L’Arrêt de mort (1948), Au moment voulu (1951), Celui qui ne m’accompagnait pas (1953). De l’un à l’autre, la narration s’est vue progressivement allégée de « l’épaisseur romanesque » à l’intérieur de laquelle le récit s’est enfoui à l’époque moderne, et que les propres romans de Blanchot avaient alourdie parfois à outrance.
Toutefois, aller du roman au récit pour Blanchot, c’était moins épurer l’acte narratif que dégager pleinement ce qui rend cet acte imperfectible et de ce fait, interminable. Si narrer donne lieu à un mouvement que le roman ne maîtrisait pas et ne pouvait que subir, ce mouvement représente pour le récit un seul et unique événement, qu’il a pour tâche de rendre présent en le racontant. Tâche vouée à l’échec, mais qui se renouvelle sans cesse, et à laquelle le « pas de récit, plus jamais », proféré au tournant même qui rendait au récit ses pleins droits, ne met pas fin, la proclamant au contraire dans toute sa pérennité.